Si, en traversant un boisé ou un terrain vague, vous prenez le temps de vous arrêter, de vous pencher, et de regarder la nature de près, vous constaterez que rien de ce qui nous entoure n’est en parfaite condition. Les brins d’herbe sont brulés par le soleil ou mangés par des insectes. Les insectes portent des parasites ou sont malades. Les branches sont cassées, les buissons jaunissent par manque ou par excès d’eau. Tout, absolument tout ce qui vit est brisé, usé, malade ou altéré. Rien n’est intact, rien n’est parfait. C’est de ce chaos apparent que nait un monde en perpétuelle évolution, un brassage d’organismes en quête d’un inatteignable équilibre. C’est de ce déséquilibre que nait le mouvement.
Ayant moi-même longtemps travaillé sur une production maraîchère, j’ai beaucoup observé la nature de près, à genoux dans les champs, à désherber des carottes ou à suivre le cycle de développement des insectes. Cet angle d’observation du monde a marqué ma pratique artistique et mon travail d’installation tend ainsi à mettre en scène ce chaos et ce déséquilibre à travers des œuvres grinçantes, dysfonctionnelles ou usées.
Par l’approximatif et l’anti-performance, ma pratique se veut également une réponse à la course à l’expérience esthétique dont nous sommes aujourd’hui témoins, exposés comme jamais à un volume gargantuesque de productions culturelles. J’explore la fragilité de l’expérience humaine individuelle et collective par la fragilité de la matière et par l’antithèse de la haute technologie. C’est ainsi que l’objet «bricolé», analogique et artisanal, me semble plus pertinent que jamais.